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Journal d'un insatisfait
7 juin 2015

*Cultiver le manque

Il est possible que nous n'ayons pas la sensation de manquer, et que nous nous sentions relativement heureux, que tout aille bien. Pour une personne d'oraison, c'est une ornière redoutable, car cela ne nous permet pas d'intensifier le désir de Dieu. Si nous ne nous sentons pas emplis de Dieu d'une manière qui nous transporte, et que nous sommes en même temps dans le bien-être, c'est que nous nous sommes arrêtés quelque part en chemin. Nous avons fait halte dans une auberge où nous profitons d'un bon repas et d'un bon lit, et nous sommes en train de nous endormir.

Pour éviter cela, et puisque nous ne sommes pas capables de ressentir le manque pour nous-mêmes, nous pouvons imaginer une personne qui se trouve dans le manque. La difficulté, c'est de trouver l'image adéquate. Par exemple, nous pouvons imaginer Jésus sur la Croix, qui a soif des âmes, et soif de Dieu, seul et abandonné. Mais il est bien possible que notre tiédeur nous rende incapable, à l'instant considéré, d'éprouver quelque chose de très intense, parce que notre esprit est enlisé de telle manière qu'un type particulier d'image a cessé de résonner en nous. Nous devons donc trouver un type d'image qui n'est pas atteint par cette inertie, ce qui veut dire passer en revue un certain nombre de cas. Si les thèmes religieux ne nous parlent plus (cela arrive), nous prendrons des thèmes profanes propres à nous rappeler la misère de notre condition. Le bébé avorté alors qu'il était encore vivant et qui meurt dans un bac, souffrant et abandonné de tous, l'homme coincé sous des tonnes de gravats à cause d'un tremblement de terre, sa femme qui le cherche désespérément, l'ouvrier russe qui a aidé à décontaminer Tchernobyl et qui est en train de mourir à l'hôpital dans de grandes souffrances, le petit hérisson qui a perdu sa maman écrasée par une voiture, le chien abandonné par son maître au bord de la route, le veau enlevé à sa mère par l'industrie laitière...

Si nous avons un minimum d'empathie, il y a bien quelque chose qui va nous toucher, et nous allons réaliser combien nous étions endormis la minute d'avant. Une fois réveillé, nous pourrons alors songer que Jésus ne s'est jamais endormi, lui. A chaque instant de sa vie, c'est un déluge de misères humaines et animales qui s'est abattu sur lui (puisque c'est l'homme qui était désigné pour prendre soin spirituellement des animaux, incapables de s'élever à Dieu par eux-mêmes). Des milliards et des milliards d'âmes souffrantes. Jamais nous ne pourrons imaginer la chose. La pensée d'une seule âme souffrante est déjà intolérable pour nous, si vraiment nous nous y appliquons - et en même temps c'est la meilleure chose que nous puissions faire. Nous devrions nous concentrer et ressentir sa douleur jusqu'à en pleurer : c'est à ce degré d'intensité que nous pourrons véritablement ressentir la présence de Dieu.

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