Le Lopön doit se demander pourquoi tous les gens ne traversent pas les murs – je plaisante à moitié, il y a une histoire de ce genre avec Milarepa je crois. Quelqu’un lui disait qu’il était un grand sorcier de traverser les murs, et lui même répondait que c’était les gens qui étaient de grands sorciers de ne pas le faire -. De fait, la clarté étant chose naturelle, on attribue à tout le monde celle qu’on peut avoir, et on ne comprend pas que cela soit si peu répandu.
Hier donc je regardais une autre vidéo de ma comique préférée, Isabelle Padovani, et la fin résume tout mon dilemme. Elle parle d’un tableau qui se trouve en face d’elle, explique son sentiment par rapport à ce tableau, et puis explique qu’une autre personne pourrait avoir un autre sentiment très différent et conclut que la vie c’est ça : ne pas juger, mais partager pour s’enrichir. Ne pas déclarer que le tableau est beau ou laid, mais simplement partager son sentiment et laisser les autres libres du leur. Beau programme et dans le principe, j’y souscris. Mais qu’est-ce que je fais si quelqu’un me dit : »Moi, je bats mes enfants tous les jours. Je trouve ça génial » ? Est-ce que je lui réponds « Ah oui ça a l’air cool » ? Ou si quelqu’un me dit « Regarde je me suis coupé un doigt, c’est joli non » ? De fait, c’est à peu près à cela que j’assiste tous les jours, et je ne trouve pas ça merveilleux du tout.
Un jour dans le train par exemple, nous avons discuté avec des parents qui empêchaient leur fille de trois mois d’esquisser le moindre mouvement. Dès qu’elle essayait de faire quelque chose par elle-même, d’acquérir une mobilité, ils la remettaient sur le dos, la plaçaient systématiquement en position d’impuissance. Imaginez que vous soyez couché sur le dos et qu’une grande main vous empêche systématiquement de vous lever ou de vous tourner ? Que va-t-il se passer ? Vous allez lutter pendant quelque temps, et puis votre cerveau va se résigner et vous allez devenir un légume. Un autre jour, nous avons vu un enfant plus âgé qui avait subi un traitement similaire, et qui à 8 mois se tenait à peine assis (alors que l’âge normal c’est 5 mois). 3 mois de retard de développement cérébral à 8 mois, je ne vous fais pas le tableau pour la suite. Car si certaines capacités ne sont pas acquises au moment où elles doivent l’être, c’est tout le développement de l’individu qui est compromis.
Par exemple, le cerveau des enfants développe la perception naturelle de la grammaire à l’âge de 3 ans. Leur cerveau se met à organiser les mots d’une façon complexe. On s’est aperçu que si pendant des siècles on avait pris les sourds muets pour des débiles mentaux, c’est parce qu’à cet âge précis ils n’avaient pas suffisamment de vocabulaire pour que cette capacité se développe. Mais qu’après c’était irrattrapable. Un sourd-muet qui n’avait pas développé la grammaire à 3 ans ne rattraperait jamais véritablement son retard quels que soient ses efforts. Il resterait toujours en dessous du potentiel qui était le sien à la base. On a résolu le problème en leur apprenant un langage par gestes, et on s’est aperçu qu’avec cela, ils développaient la compréhension de la grammaire à 3 ans, comme tout le monde. (Des yeux pour entendre : Voyage au pays des sourds). Je sais même qu’il existe des méthodes d’apprentissage qui font que des mongoliens peuvent devenir surdoués. On découvrira sans doute un jour que ce n’est pas leur capacité qui est si faible que cela, mais qu’à force de les traiter comme des débiles ils le deviennent.
Je me suis écarté de mon sujet. Je voulais dire que lorsque je vois des parents maltraiter leurs enfants, que ce soit en les empêchant de bouger, en les empêchant d’apprendre, en leur donnant n’importe quoi à manger, en les collant devant la télé, j’estime que ce sont des criminels, et je ne peux pas rester de boa. On va peut-être me dire « Ah oui mais c’est comme ça, c’est la vie ». Celui qui dit cela est à peine plus développé qu’un reptile, il n’est pas au courant qu’il y a une âme et un esprit dans les corps humains. Et aujourd’hui c’est la plupart des gens, grâce justement au type d’éducation que je décris ci-dessus. Alors bon, on va me dire que justement, ce sont des victimes. Mais le fait qu’on ait été maltraité ne justifie pas qu’on maltraite les autres, précisément parce qu’on a une âme, qui transcende tous ces aléas. Il n’existe aucune religion où l’on « excuse » quelqu’un qui rejette Dieu sous prétexte qu’il aurait eu une enfance difficile. Le rejet de Dieu c’est l’enfer, non pas plus tard, mais ici-même, c’est comme ça, qu’on en soit conscient ou non, qu’on le fasse exprès ou non. « Nul n’est censé ignorer la loi », c’est vrai à 100% en matière spirituelle. La miséricorde ne consiste pas à pardonner aux ignorants, mais à ceux qui se repentent d’avoir été ignorants. « À celui qui a on donnera, à celui qui n’a pas on prendra même ce qu’il a« .
Bref, avec toutes ses thérapies et pratiques spirituelles, Isabelle (une surdouée faut-il le rappeler) n’a jamais commencé à voir la mauvaise volonté qui était en elle. Elle n’a jamais souhaité de mal à son voisin, ni à qui que ce soit. C’est vraiment merveilleux. Parce que ce que je constate pour moi, c’est que lorsqu’on n’est pas dans la joie de Dieu, on ne peut que vouloir le malheur des autres. Et c’est absolument normal, parce que c’est une situation insupportable. Alors bien sûr, les gens sont blindés contre cette souffrance, et le mal reste souterrain, sauf quand on leur ordonne d’aller garder des Juifs dans un camp de concentration. Là tout à coup, le malaise a tout latitude pour s’exprimer. Il faut lire les livres de Charlotte Delbo. Et si l’on pense que les SS qui ont fait cela étaient des fous, c’est qu’on est soi-même semblable à eux. Ce sont des gens ordinaires qui ont fait cela, des gens comme on en voit plein la rue. L’homme qui ne connaît pas Dieu ne peut pas avoir de référence interne. Sa référence, c’est la loi, l’usage, etc. Si la loi dit tout à coup qu’on peut tuer des gens, alors c’est licite.
C’est uniquement quand on a conscience du mal qu’on veut faire qu’on peut commencer à l’éviter. Si je prends conscience que je déteste une personne, je peux commencer à essayer d’être gentil avec elle avec quelque chance de ne pas être un hypocrite. Dans une vidéo, Isabelle discute avec une femme au sujet de son compagnon qui l’insulte etc… L’histoire c’est que le compagnon de la fille est devenu infernal et violent quand elle a commencé à s’intéresser à la spiritualité. La conclusion d’Isabelle c’est « Ah le pauvre homme, il est si malheureux, il souffre tellement… tu comprends, il ne peut pas accepter ton évolution » mais on voit dans son expression qu’elle a un mépris total pour lui, dont elle n’est absolument pas consciente. Plus que cela, elle pousse la fille à avoir le même mépris. Mon interprétation, c’est que la fille a commencé à se sentir très supérieure du jour où elle a commencé à faire de la « spiritualité » et qu’elle ne s’est pas privée de faire savoir à son copain qu’il était une merde. Il est donc devenu violent, et quelque part, il a eu raison, parce que cette conne est devenue comme les SS d’Auschwitz, sauf que son arme n’est pas une mitraillette, c’est les livres de spiritualité.
J’ai constaté 9 fois sur 10 que quand une personne se met à faire de la spiritualité, elle s’en sert pour enfoncer les autres autour d’elle. Et c’est absolument normal. Mais encore faudrait-il en prendre conscience, au lieu d’amplifier le mouvement. Moi, effectivement, je méprise les plagistes, les débiles qui font pétarader leur grosse moto, les caissières qui mâchent des chewing-gums, les cons qui ont le portable vissé à la main, les vieux qui ont des chiens qui passent leur temps à vous aboyer dessus… Mais s’il y en a un qui vient me raconter ses malheurs (quand on va aux Urgences, on trouve toujours quelqu’un qui se plaît à vous raconter ses malheurs), je vais l’écouter. Parce qu’à partir du moment où on peut prendre conscience du fait qu’on déteste les gens, et de la cause de ce sentiment qui est la perte de Dieu, on commence à prendre conscience que sous ce rapport on n’est pas tellement plus avancé qu’eux. Et si on l’est, cela se traduit forcément par le désir d’être gentil, qui pendant un certain temps peut parfaitement coexister avec le mépris, puisque ce sont deux parties de soi différentes. Celui qui est bon, c’est le psychique, celui qui déteste, c’est l’être terrestre (mental/vital/physique). Tout cela n’est intégré que chez les saints. Avant, on est partagé. Si on n’est pas partagé, c’est qu’on est réduit à son être terrestre, maquillé en gentil.